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Tout ce que je deviens

En cinq tranches


Cadre avec photo de la petite Stéphanie

0-10

Petite Stéphanie, dans sa première décennie.

Je pense que ce fut la plus difficile. J’étais une enfant très différente, je n’avais pas beaucoup d’ami.e. Heureusement j’avais une famille très aimante, j’ai grandi dans l’amour. J’étais très proche de mon frère.

Mes profs ou ma famille plus éloignée m’ont dit: tu n’as pas besoin de tout dire ce qui te passe par la tête. J’ai essayé mais j’ai jamais vraiment réussi!

J’étais proche de la nature, j’adorais aller au camp de la famille paternelle au lac Vézeau, ou à la ferme maternelle à St-Canut. Je me souviens des odeurs de la terre et des oignons dans le grand jardin, du fumier, de l’abattoir, le vanillé de la pipe, des fleurs sauvages du grand pré, de l’humidité de la tente de camping, de la petite crique où l’eau coulait vite, les roches qui changeaient de couleur, les confitures aux fraises, le poêle à bois, les matelas soufflés.

Une merveilleuse enfance, mais un peu solitaire.


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Photos dans un album d'une jeune fille

10-20

C’est immense l’univers qui s’ouvre entre 10 et 20 ans. L’adolescence, qui pour moi s’est déroulée dans un tiraillement entre le volleyball et le théâtre, les premières amours, les premières amitiés intenses, le premier voyage seule en France. Tout est première fois. Ce que je retiens de cette décennie, c’est la découverte de la littérature, qui ouvre un monde de possibilités pour la Stéphanie toujours avide de comprendre (comprendre les comportements, les codes, les idées, les désirs, les cultures, les grandes émotions). La littérature devient un propulseur: je n’ai pas besoin de vivre les choses, je peux les lire et enfin comprendre (bon, je me trompais un peu là-dessus, mais parfois ça me donnait en effet une petite idée). J’étais encore un peu étrange, je détonnais auprès des kids de mon âge, mais je passais mon temps libre à la bibliothèque ou le nez dans les livres, et c’était mon refuge (pour ça je ne me trompais pas, car c’est toujours aussi vrai aujourd’hui).


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Photo sur un ordinateur d'une mère avec ses enfants

20-30

Une décennie où je deviens mère, c’est sans conteste l’expérience qui me marquera le plus, qui donnera forme à mon futur, à qui je suis, à ce que je priorise, à ma vision du monde. Mon apprentissage n’est plus dans les livres mais dans la “vraie” vie. J’ai la chance d’avoir un partenaire extraordinaire, le père de mes enfants. J’ai adoré porter mes enfants, les mettre au monde, les allaiter. Toutes ces expériences vont m’ouvrir à une nouvelle compréhension de mon corps. D’ailleurs je suis de plus en plus curieuse de mon plaisir et mon désir, c’est une curiosité qui n’aura de cesse de grandir. C’est aussi la décennie où j’arrive au bout de mon parcours universitaire: analyser la littérature ne m’excite plus tant. Je trouverai plus tard la suite de cette passion. Les enfants étant ce qu’ils sont, je dois faire des retraites en silence régulièrement pour faire le plein d’énergie (lire : le plein de silence).


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Photo en noir et blanc sur une pile de livre d'une femme dans la trentaire qui tient une fourchette

30-40

J’ai bien cherché une photo qui illustrerait cette décennie. Cette drôle de photo, prise au Holder durant un photoshoot informel, alors que je dois envoyer ma première photo officielle d’écrivaine pour les Jeux de la francophonie rend bien l’énergie de ma trentaine: j’ai un appétit dévorant, je veux tout. Tout essayer, tout voir, tout devenir, tout désirer. Dans un sentiment d’urgence, je décide que je dois vivre ma vie à la course. Je me mets au travail pour publier mes premiers textes, car j’ai bien compris qu’étudier la littérature n’était pas suffisant. Je publie trois livres en six ans, je travaille, je me sépare, je tombe en amour follement, plusieurs fois, j’ai de grandes peines, avec ça de grandes leçons, je voyage beaucoup, je note tout.

Je pensais que mon énergie est infinie (ahahah!). N’empêche, quelle décennie.


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Photo en noir et blanc de type polaroid avec un groupe de femmes qui rient

40-50


Ces dernières années ont été riches en apprentissages: j’ai goûté à l’ambition, le désir à toute vitesse, le lâcher prise, la joie de construire, aux deuils aussi, de ce qui aurait pu être et ne sera jamais, l’acceptation difficile qui vient avec ce constat J’ai eu du succès, de la fatigue immense, j’ai souvent dépassé mes limites mais, d’un autre côté, je suis meilleure à les reconnaître maintenant.

La grande surprise de cette décennie: probablement celle de découvrir combien on peut aimer un chien, et combien celui-ci nous le rend mille fois mieux. Dire que j’aurais pu passer à côté de ce miracle.

Mais par-dessus tout: l’amitié féminine qui m’a portée dans mes moments les plus difficiles comme les plus merveilleux. Je suis entourée de femmes formidables, et ça me prendrait 5 photos comme celle-ci pour toutes les montrer. De ma mère à ma belle-mère, mes filles, mes vieilles amies comme mes nouvelles, les amitiés tranquilles comme les fulgurantes, les coups de coeur professionnels qui se transforment en roc solide, toujours des femmes avec qui j’ai connecté, j’ai pleuré, ri, j’ai créé, je me suis confié, j’ai transmis et j’ai reçu. Je vous aime, j’essaye de vous le dire souvent, car les mots sont importants pour moi. La douleur est plus tolérable avec vous, la joie est plus enivrante quand on la partage ensemble, et, il faut bien l’avouer, c’est grâce à vous que je deviens qui je suis.

 
 
 

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@ 2025 Stéphanie Filion

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